Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/51

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l’aimais trop pour en douter : le véritable amour est plein de confiance.

D’ailleurs, ma mère, qui avait tant de raisons de me détacher d’elle, ne m’avait jamais rien écrit qui pût me faire naître le moindre soupçon. Que cette constance d’Adélaïde ajoutait de vivacité à ma passion ! Je me trouvais heureux quelquefois, que la dureté de mon père me donnât lieu de lui marquer combien elle était aimée. Je passai les trois jours qui s’écoulèrent jusqu’à l’arrivée de mon père, à m’occuper du nouveau sujet que j’allais donner à Adélaïde d’être contente de moi ; cette idée, malgré ma triste situation, remplissait mon cœur d’un sentiment qui approchait presque de la joie.

L’entrevue de mon père et de moi fut, de ma part, pleine de respect, mais de beaucoup de froideur ; et de la sienne, de hauteur et de fierté. Je vous ai donné le temps, me dit-il, de vous repentir de vos folies, et je viens vous donner le moyen de me les faire oublier. Répondez par votre obéissance à cette marque de ma bonté, et préparez-vous à recevoir comme vous devez monsieur le comte de Foix et mademoiselle de Foix sa fille, que je vous ai destinée ; le mariage se fera ici ; ils arriveront demain avec votre mère, et je ne les ai devancés que pour donner les ordres nécessaires. Je suis bien fâché, monsieur, dis-je à mon père, de ne pouvoir faire ce que vous souhaitez ; mais je suis trop honnête homme pour épouser une personne que je ne puis aimer ; je vous prie même de trouver bon que je parte d’ici tout-à-l’heure ; mademoiselle de Foix, quelque aimable qu’elle puisse être ne me ferait pas changer