Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/68

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s’écria-t-il. Il l’aurait tuée infailliblement, si je ne me fusse jeté au-devant d’elle : je tirai en même temps mon épée. Je commencerai donc par toi ma vengeance, dit Benavidés, en me donnant un coup qui me blessa à l’épaule. Je n’aimais pas assez la vie pour me défendre, mais je haïssais trop Benavidés pour la lui abandonner ; d’ailleurs ce qu’il venait d’entreprendre contre celle de sa femme ne me laissait plus l’usage de la raison ; j’allai sur lui ; je lui portai un coup qui le fit tomber sans sentiment.

Les domestiques, que les cris de madame de Benavidés avaient attirés, entrèrent dans ce moment ; ils me virent retirer mon épée du corps de leur maître ; plusieurs se jetèrent sur moi ; ils me desarmèrent, sans que je fisse aucun effort pour me défendre. La vue de madame de Benavidés, qui était à terre fondant en larmes auprès de son mari, ne me laissait de sentiment que pour ses douleurs. Je fus traîné dans une chambre, où je fus enfermé.

C’est là que, livré à moi-même, je vis l’abyme où j’avais plongé madame de Benavidés. La mort de son mari, que je croyais alors tué à ses yeux, et tué par moi, ne pouvait manquer de faire naître des soupçons contre elle. Quel reproche ne me fis-je point ! j’avais causé ses premiers malheurs, et je venais d’y mettre le comble par mon imprudence. Je me représentais l’état où je l’avais laissée, tout le ressentiment dont elle devait être animée contre moi ; elle me devait haïr, je l’avais mérité. La seule espérance qui me resta, fut de n’être pas connu. L’idée d’être pris pour un scélérat, qui dans toute autre occasion m’aurait fait fré-