Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/79

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faire venir un autre peintre, le jour malheureux où vous blessâtes mon frère. Jugez de ma surprise, quand, à mon retour, j’appris tout ce qui s’était passé. Mon frère, qui était très-mal, gardait un morne silence, et jetait de temps en temps des regards terribles sur madame de Benavidés. Il m’appela aussitôt qu’il me vit. Délivrez-moi, me dit-il, de la vue d’une femme qui m’a trahi ; faites-la conduire dans son appartement, et donnez ordre qu’elle n’en puisse sortir. Je voulus dire quelque chose ; mais M. de Benavidés m’interrompit au premier mot : Faites ce que je souhaite, me dit-il, ou ne me voyez jamais.

Il fallut donc obéir : je m’approchai de ma belle-sœur ; je la priai que je pusse lui parler dans sa chambre ; elle avait entendu les ordres que son mari m’avait donnés. Allons, me dit-elle, en répandant un torrent de larmes, venez exécuter ce que l’on vous ordonne. Ces paroles, qui avaient l’air de reproches, me pénétrèrent de douleur ; je n’osai y répondre dans le lieu où nous étions ; mais elle ne fut pas plutôt dans sa chambre, que la regardant avec beaucoup de tristesse : Quoi ! lui dis-je, madame, me confondez-vous avec votre persécuteur, moi, qui sens vos peines comme vous-même, moi, qui donnerais ma vie pour vous ? Je frémis de le dire ; mais je crains pour la vôtre ; retirez-vous pour quelque temps dans un lieu sûr ; je vous offre de vous y faire conduire. Je ne sais si M. de Benavidés en veut à mes jours, me répondit-elle ; je sais seulement que mon devoir m’oblige à ne pas l’abandonner, et je le remplirai, quoi qu’il m’en puisse coûter. Elle se tut quelques moments, et reprenant la parole :