Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/84

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Benavidés me fit appeler. J’ai une affaire importante, me dit-il, qui demanderait ma présence à Saragosse ; ma santé ne me permet pas de faire ce voyage ; je vous prie d’y aller à ma place ; j’ai ordonné que mes équipages fussent prêts, et vous m’obligerez de partir tout-à-l’heure. Il est mon aîné d’un grand nombre d’années ; j’ai toujours eu pour lui le respect que j’aurais eu pour mon père, et il m’en a tenu lieu ; je n’avais d’ailleurs aucune raison pour me dispenser de faire ce qu’il souhaitait de moi : il fallut donc me résoudre à partir ; mais je crus que cette marque de ma complaisance me mettait en droit de lui parler sur madame de Benavidés. Que ne lui dis-je point pour l’adoucir ! il me parut que je l’avais ébranlé ; je crus même le voir attendri. J’ai aimé madame de Benavidés, me dit-il, de la passion du monde la plus forte ; elle n’est pas encore éteinte dans mon cœur ; mais il faut que le temps et la conduite qu’elle aura à l’avenir effacent le souvenir de ce que j’ai vu. Je n’osai contester ses sujets de plainte ; c’était le moyen de rappeler ses fureurs. Je lui demandai seulement la permission de dire à ma belle-sœur les espérances qu’il me donnait ; il me le permit. Cette pauvre femme reçut cette nouvelle avec une sorte de joie. Je sais, me dit-elle, que je ne puis être heureuse avec M. de Benavidés ; mais j’aurai du moins la consolation d’être où mon devoir veut que je sois.

Je la quittai après l’avoir encore assurée des bonnes dispositions de mon frère. Un des principaux domestiques de la maison, à qui je me confiais, fut chargé de ma part d’être attentif à tout ce qui pourrait la regarder, et de m’en instruire. Après ces précautions,