Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/83

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Les larmes qu’elle répandait en me parlant, firent plus d’effet sur moi que toute ma raison ; je fus honteux d’augmenter les malheurs d’une personne déjà si malheureuse. Non, madame, lui dis-je, vous ne serez point privée de cette amitié dont vous avez la bonté de faire cas, et je me rendrai digne de la vôtre, par le soin que j’aurai de vous faire oublier mon égarement.

Je me trouvai effectivement, en la quittant, plus tranquille que je n’avais été depuis que je la connaissais. Bien loin de la fuir, je voulus, par les engagements que je prendrais avec elle en la voyant, me donner à moi-même de nouvelles raisons de faire mon devoir. Ce moyen me réussit ; je m’accoutumais peu-à-peu à réduire mes sentiments à l’amitié ; je lui disais naturellement le progrès que je faisais ; elle m’en remerciait comme d’un service que je lui aurais rendu ; et, pour m’en récompenser, elle me donnait de nouvelles marques de sa confiance ; mon cœur se révoltait encore quelquefois, mais la raison restait la plus forte. Mon frère, après avoir été assez long-temps dans un très-grand danger, revint enfin : il ne voulut jamais accorder à sa femme la permission de le voir, qu’elle lui demanda plusieurs fois. Il n’était pas encore en état de quitter la chambre, que madame de Benavidés tomba malade à son tour. Sa jeunesse la tira d’affaire, et j’eus lieu d’espérer que sa maladie avait attendri son mari pour elle ; quoiqu’il se fût obstiné à ne la point voir, quelque instance qu’elle lui en eût fait faire dans le plus fort de son mal, il demandait de ses nouvelles avec quelque sorte d’empressement.

Elle commençait à se mieux porter, quand M. de