Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/87

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et son portrait que j’avais toujours sur mon cœur, étaient le seul bien que je m’étais réservé. Je partis le lendemain du départ de Saint-Laurent. Je vins, sans presque m’arrêter, à l’abbaye de la T… Je demandai l’habit en arrivant ; le père abbé m’obligea de passer par les épreuves. On me demanda, quand elles furent finies, si la mauvaise nourriture et les austérités ne me paraissaient pas au-dessus de mes forces : ma douleur m’occupait si entièrement, que je ne m’étais pas même aperçu du changement de nourriture et de ces austérités dont on me parlait.

Mon insensibilité à cet égard fut prise pour une marque de zèle, et je fus reçu. L’assurance que j’avais par-là que mes larmes ne seraient point troublées, et que je passerais ma vie entière dans cet exercice, me donna quelque espèce de consolation. L’affreuse solitude, le silence qui régnait toujours dans cette maison, la tristesse de tous ceux qui m’environnaient, me laissaient tout entier à cette douleur qui m’était devenue si chère, qui me tenait presque lieu de ce que j’avais perdu. Je remplissais les exercices du cloître, parce que tout m’était également indifférent ; j’allais tous les jours dans quelque endroit écarté des bois ; là, je relisais cette lettre, je regardais le portrait de ma chère Adélaïde ; je baignais de mes larmes l’un et l’autre, et je revenais le cœur encore plus plein de tristesse.

Il y avait trois années que je menais cette vie, sans que mes peines eussent eu le moindre adoucissement, quand je fus appelé par le son de la cloche pour assister à la mort d’un religieux ; il était déjà couché