Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/15

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Phœdrie

Voyez, qu’il lui sied bien de le dissimuler !

Thaïs

Pour le moins dites-moy d’où vient vostre colere !

Phœdrie

Me gardiez-vous, ingrate, un refus pour salaire ?
Apres tant de bien-faits, apres tant de travaux,
M’exclure, et recevoir je ne sçay quels rivaux !

Thaïs

Je ne puis autrement, et j’estois empeschée.

Phœdrie

Encor si comme moy vous en estiez touchée,
Ou bien si comme vous je pouvois m’en mocquer !

Thaïs

Vous estes delicat, et facile à picquer.
Escoutez mes raisons d’un esprit plus tranquille ;
Pour quelque autre dessein l’excuse estoit utile,
Et vous l’approuverez vous-mesme asseurement.

Parmenon

Elle aura par amour renvoyé nostre amant,
Et par haine sans doute admis l’autre en sa place.

Thaïs

Parmenon pourroit-il me faire assez de grace
Pour n’interrompre point un discours commencé ?

Parmenon

Oüy, mais rien que de vray ne vous sera passé.

Thaïs

Pour vous mieux desbrouiller le nœud de cette affaire,
Je prendray de plus haut le recit qu’il faut faire.
Quoy qu’on ignore icy le nom de mes parens,
Ils ont en divers lieux tenu les premiers rangs,
Samos fut leur patrie, et Rhodes leur demeure.