Page:La Fontaine - Contes, Herhan, 1803.djvu/300

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Permission de troquer en hymen ;
Non si souvent qu’on en aurait envie,
Mais tout au moins une fois en sa vie :
Peut-être un jour nous l’obtiendrons, Amen,
Ainsi soit-il ; semblable indult en France
Viendrait fort bien, j’en réponds, car nos gens
Sont grands troqueurs, Dieu nous créa changeants.
Près de Rouen, pays de sapience,
Deux villageois avaient chacun chez soi
Forte femelle, et d’assez bon aloi,
Pour telles gens qui n’y raffinent guère ;
Chacun sait bien qu’il n’est pas nécessaire
Qu’amour les traite ainsi que des prélats.
Avint pourtant que tous deux étant las
De leurs moitiés, leur voisin le notaire
Un jour de fête avec eux chopinait.
Un des manants lui dit : Sire Oudinet,
J’ai dans l’esprit une plaisante affaire.
Vous avez fait sans doute en votre temps
Plusieurs contrats de diverse nature,
Ne peut-on point en faire un ou les gens
Troquent de femme ainsi que de monture ?
Notre pasteur a bien changé de cure :
La femme est-elle un cas si différent ?
Et pargué non ; car messire Grégoire
Disait toujours, si j’ai bonne mémoire :
Mes brebis sont ma femme : cependant
Il a changé : changeons aussi compère.
Très volontiers, reprit l’autre manant ;
Mais tu sais bien que notre ménagère
Est la plus belle : or ça, Sire Oudinet,