Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/187

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surpris de ce spectacle, il fait suivre les deux délateurs, avec ordre d’éclaircir un fait si singulier. On lui rapporte que les deux jeunes gens étaient rentrés dans une maison, et qu’on leur avait entendu faire le récit de leur aventure à une femme qui était leur mère ; qu’à cette nouvelle elle avait jeté des cris lamentables, et qu’elle avait ordonné à ses enfans de reporter la somme qu’ils avaient reçue, en protestant qu’elle aimait mieux mourir de faim que de prolonger ses jours aux dépens de ceux de son fils. Le juge informé conçoit autant de pitié que d’admiration ; il fait venir son prisonnier, il recommence les interrogations ; et, le trouvant ferme à se reconnaître coupable, il lui déclare enfin qu’il n’ignore rien. Après avoir tout éclairci, il l’embrasse tendrement ; il se hâte d’aller faire son rapport au cubosama, qui, charmé d’une action si héroïque, voulut voir les trois frères, les combla de caresses, assigna au plus jeune quinze cents écus de rente, et cinq cents à chacun des deux autres.

Le point d’honneur ne porte pas ce peuple à des actions moins extraordinaires. Kœmpfer raconte que deux gentilshommes s’étant rencontrés sur un escalier du palais impérial, leurs épées se frottèrent l’une contre l’autre ; celui qui descendait s’offensa de cet accident, l’autre s’excusa, en protestant que c’était l’effet du hasard ; il ajouta que le malheur, après tout, n’était pas grand, que ce n’était que deux épées qui s’étaient touchées, et que l’une