Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/261

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noms de Colomb et de Gama ! Jamais sans doute on n’a rien imaginé ni rien tenté de plus mémorable. Jamais le génie, en aucun genre, n’a si puissamment influé sur les destinées de l’univers et sur les générations futures ?

Ainsi donc l’humanité audacieuse s’est portée en même temps du pas le plus hardi qu’elle ait jamais fait vers les deux extrémités opposées du globe qui lui a été donné pour demeure !

En la suivant dans le nouvel hémisphère, les mêmes prodiges de courage et de cruauté qui nous ont frappés dans la découverte des Indes nous conduiront encore de l’admiration à l’horreur, et, en rencontrant d’autres hommes, nous retrouverons les mêmes crimes.

N’allons point trop tôt au-devant de ce spectacle épouvantable dont nous aurons à frémir. Ne songeons encore qu’à ce fameux Génois qui nous a frayé le passage de ces mers ignorées. Nous ne le verrons pas mieux traité que le premier navigateur qui ait pénétré jusqu’à l’Océan indien. La première injustice qu’on lui fit, et qui peut-être n’était pas la moins sensible, fut de lui refuser l’honneur de sa découverte. La gloire d’avoir trouvé un nouveau monde valait bien la peine d’être contestée. On rappela quelques passages des anciens qui semblaient faire soupçonner l’existence d’un monde antipode ; passages cités cent fois, et trop connus pour les rapporter ici : et qu’importe ? Colomb en est-il moins admirable ? Le merveilleux ne consistait pas à imaginer qu’un tel monde pou-