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le Portugal ; il n’y était plus attaché par sa femme, que la mort lui avait enlevée depuis peu ; et, craignant même d’y être arrêté, parce que le roi n’attribuait le mauvais succès de la caravelle qu’au défaut d’expérience et d’habileté du pilote, il s’embarqua furtivement pour l’Espagne avec son frère et son fils. Il arriva sans obstacle à Palos, port d’Andalousie. La cour d’Espagne était alors à Cordoue. Comme les dégoûts qu’il venait d’essuyer lui faisaient craindre de n’y pas trouver plus de faveur, il ne voulut s’y présenter qu’après avoir engagé son frère à se rendre en Angleterre pour tenter de faire entrer Henri vii dans les vues qu’il allait proposer lui-même aux Espagnols ; résolu apparemment de vendre ses services à ceux qui les mettraient à plus haut prix.

Il parut à Cordoue vers la fin de l’année 1484 ; et, prenant toutes les mesures de la prudence, il commença par se lier avec quelques personnes de distinction et de mérite, qu’il crut capables de disposer leurs majestés catholiques à goûter ses propositions. Par cette voie, il réussit à les faire entendre, mais avec beaucoup de lenteur. Hernand de Talavera, prieur de Prado, et confesseur de la reine, reçut ordre de former une assemblée de cosmographes pour conférer avec lui. Les savans étaient rares alors en Espagne ; et Colomb, porté à la défiance par son aventure de Lisbonne, craignait de s’exposer trop ouvertement. Le résultat lui fut si peu favorable, qu’après avoir