Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/296

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perte dont il se reprochait d’avoir été l’occasion. Il lui présenta tout ce qu’il possédait pour la réparer. Tous les habitans de cette partie de l’île entrèrent dans les sentimens de leur souverain, et voyant l’ardeur des Castillans pour l’or, ils leur apportèrent tout ce qu’ils avaient de ce précieux métal. À la vérité, leur passion n’était pas moins ardente pour les bagatelles qu’ils recevaient en échange, mais surtout pour les sonnettes. Ils approchaient comme à l’envi de la caravelle en levant des lames d’or sur leur tête. Ils paraissaient craindre que leurs offres ne fussent refusées. Un d’entre eux, qui en tenait à la main un morceau du poids d’un demi-marc, étendit l’autre pour recevoir une sonnette, donna son or, et se mit à fuir de toutes ses forces, dans la crainte apparemment que le Castillan ne se crut trompé ; et ce sont ces hommes que les Espagnols ont cru devoir détruire !

Des marques si constantes de simplicité et d’amitié, jointes à l’espoir de parvenir sans violence à découvrir la source de tant de richesses, firent naître à l’amiral le dessein de former un établissement dans les terres de Guacanagari. Ses gens applaudirent à cette ouverture, comme au seul moyen d’acquérir une parfaite connaissance du pays, et d’en apprendre la langue. Il n’était question que de faire goûter ce dessein au roi. L’amiral s’attacha plus que jamais à gagner sa confiance par des caresses et des présens. Mais, comme il n’était pas moins nécessaire de lui inspirer du