Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/297

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respect, il fit faire quelques décharges de son artillerie. La foudre descendue sur les insulaires ne leur aurait pas causé plus de frayeur : ils tombaient à terre en se couvrant la tête de leurs mains. Guacanagari n’étant point exempt de cet effroi, l’amiral se hâta de le rassurer. « Avec ces armes, lui-dit-il, je vous rendrai victorieux de tous vos ennemis[1] ; » et pour le persuader par des effets, il fit tirer un coup contre le navire échoué. Le boulet, ayant percé le navire, alla tomber dans la mer. Ce spectacle causa tant d’étonnement au roi, qu’il s’en retourna chez lui dans une rêverie profonde, et persuadé que les étrangers étaient les maîtres du tonnerre.

Dans cette disposition, il leur accorda volontiers la liberté de bâtir un fort, qui fut composé en dix jours des débris du vaisseau, et dans lequel on mit quelques pièces de canon. Un fossé assez profond dont il fut environné, et la seule vue de l’artillerie, devaient suffire pour tenir en respect des gens nus et déjà subjugués par la crainte. Pendant ce travail, l’amiral descendait chaque jour à terre , où il passait toutes les nuits, Guacanagari prit cette occasion pour le surprendre par divers honneurs auxquels il ne s’attendait point. Un jour, en descendant de sa chaloupe, il rencontra un

  1. Ces, ennemis, dont il faisait souvent des plaintes, et qu’il nommait Caraïbes, étaient des habitans de plusieurs îles voisines avec lesquels ils étaient sans cesse en guerre, et qu’il représentait comme les plus cruels de tous les hommes.