Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/335

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ton que de l’or, et qu’il avait souvent marqué une vive passion d’obtenir la cloche de l’église d’Isabella, parce qu’il s’était imaginé qu’elle parlait. Il se servit de cette connaissance pour le faire donner dans un piége, dont Ojéda qui commandait le fort de Cibao prit sur lui l’exécution. On fit courir le bruit que les Castillans souhaitaient une paix constante, et que, par des sentimens particuliers d’estime pour Caonabo, ils pensaient à lui faire des présens considérables. Ojéda partit du fort avec neuf cavaliers bien montés, sous prétexte de porter les présens de l’amiral. Une suite si peu nombreuse ne pouvant inspirer aucune défiance, il fut reçu fort civilement à Maguana, qui était la résidence ordinaire du cacique. Après quelques explications, il fit voir à Caonabo les présens qu’il avait à lui offrir : c’étaient des fers, tels qu’on les met aux pieds et aux mains des forçats, mais de laiton si poli qu’ils paraissaient d’argent. Il lui dit que ces instrument étaient des marques d’honneur dont l’usage était réservé aux rois de Castille, et que, dans le dessein où l’amiral était de le traiter avec la plus haute distinction, il ne faisait pas difficulté de lui envoyer ce qui n’avait appartenu jusqu’alors qu’à ses maîtres ; qu’il lui conseillait de se retirer à l’écart pour se parer de ce précieux ornement, et que, se présentant ensuite aux yeux de ses sujets, il paraîtrait avec autant de majesté que les rois de Castille. Caonabo donna dans le piége, et, ne se défiant