Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trême modération : il déféra tous les honneurs à son adversaire ; il souffrit patiemment l’insolence de ses reproches ; il affecta même de la tristesse et de l’embarras dans son extérieur, jusqu’à négliger ses cheveux et sa barbe, et se revêtir d’un habit de deuil, qu’un historien nomme un habit gris de moine. Enfin, loin de relever les fausses démarches d’Aguado, il ne considéra que l’autorité dont il tenait ses pouvoirs, quoiqu’ils ne fussent pas clairement expliqués dans ses lettres.

Après les informations, lorsque le commissaire se disposait à retourner en Espagne, un furieux ouragan brisa dans le port les navires qui l’avaient apporté. Il n’en restait pas d’autres au Nouveau-Monde, que deux caravelles, que l’amiral avait fait construire depuis peu. Il offrit noblement le choix de l’une des deux à son adversaire ; mais il déclara qu’il monterait l’autre pour aller plaider sa cause au tribunal incorruptible de ses maîtres, leur rendre compte de ses nouvelles découvertes, et leur donner les avis qu’ils lui avaient demandés sur la ligne de partage entre les couronnes de Castille et de Portugal. Aguado n’osa combattre une résolution si ferme. L’amiral, continuant de lui laisser de vains honneurs, n’en retint pas moins les droits essentiels de sa dignité. Il confia, pendant son absence, le gouvernement général à ses deux frères. Roland, dont il connaissait l’habileté, fut nommé chef de la justice. Plusieurs forteresses, qu’il avait bâties