Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/345

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duite la même supériorité de lumières et de courage qu’il avait signalée dans tout le cours de son expédition. On ne peut lui reprocher que les cruautés odieuses exercées contre les Américains : l’humanité, il est vrai, répugne à croire que ces cruautés fussent absolument gratuites. Il était bien-difficile, et peut-être impossible, que les Espagnols ne fissent pas un peu trop sentir leur ascendant ; et les naturels du pays étant une fois portés à la défiance et à la haine, une poignée d’étrangers environnée d’ennemis ne se crut en sûreté que par leur mort. Qu’en faut-il conclure ? Que l’esprit de conquête et d’avidité, principe de ces expéditions hasardeuses et brillantes, ne pouvait avoir que des effets funestes. On ne connaissait pas alors d’autre héroïsme : on n’était point encore assez éclairé pour sentir qu’il était à la fois et plus glorieux et plus utile de s’attacher les Américains par de bons traitemens que de les disperser par la terreur, ou de les détruire par le fer, et les conquérans trouvèrent plus court et plus facile de faire des esclaves et des victimes que d’acquérir des alliés et des amis.

Les deux caravelles mirent à la voile le 10 mars 1496. L’amiral fit embarquer dans la sienne environ deux cent vingt Espagnols, les plus pauvres et les plus infirmes de la colonie, que leurs femmes et leurs parens avaient redemandés à la cour, et que ses bons traitemens, dans le cours de la navigation, disposèrent à prendre parti pour lui contre Aguado : il se fit