Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/361

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des officiers subalternes. La reine, qui n’avait rien recommandé avec tant de soin que de ne point attenter à la liberté des Américains, ne put apprendre sans une vive colère que ses ordres eussent été si peu respectés. Non-seulement elle en fit un crime à l’amiral, mais elle jugea qu’il ne pouvait être innocent sur tout le reste ; et, commençant par ordonner sous peine de mort que tous les esclaves fussent remis en liberté, elle prit en même temps la résolution de lui ôter l’autorité dont elle l’avait revêtu. Si elle eût agi avec moins de précipitation, elle se serait épargné le reproche trop fondé d’ingratitude et d’injustice. Les éclaircissemens qu’elle eût dû attendre lui auraient appris que, dans les embarras et les détresses où s’était trouvé l’amiral, sa conduite, toujours difficile, avait toujours été irrépréhensible, et ne pouvait être accusée tout au plus que d’un excès de sévérité peut-être indispensable dans une colonie lointaine, où la désobéissance et la mauvaise volonté sont enhardies par l’éloignement du pouvoir suprême. Elle aurait appris que c’était cette sévérité seule qui avait fait tant de mécontens, comme sa gloire avait fait tant de jaloux ; mais qu’enfin il touchait au but de ses travaux ; qu’il avait extirpé jusqu’aux moindres semences de révolte ; qu’il gouvernait avec une autorité absolue ; qu’il voyait les Castillans soumis, les insulaires disposés à recevoir le joug de l’Évangile et celui de la domination de Castille, et qu’il ne demandait pas plus de trois