Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/360

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tion si près du comble de la gloire. Dès l’année précédente, un grand nombre de mécontens, qui étaient sortis d’Espagnola, avaient entrepris comme de concert de soulever toute l’Espagne contre les Colomb. Ils s’étaient rendus à Grenade, où la cour était alors ; et, répandant les plus noires calomnies contre l’amiral, ils avaient également réussi à le rendre odieux au peuple et suspect au roi. Un jour quelques-uns de ces séditieux, ayant acheté une grande quantité de raisins, s’étaient assis à terre pour les manger au milieu d’une place publique, et s’étaient mis à crier que le roi et les Colomb les avaient réduits à cette misère, en leur refusant de leur payer le salaire qu’ils avaient mérité dans les pénibles travaux des mines. Si le roi paraissait dans les rues de Grenade, ils le poursuivaient pour lui demander leur paie avec de grands cris ; et s’ils voyaient passer les deux fils de l’amiral, qui étaient encore pages de la reine : « Voilà, s’écriaient-ils, les enfans de ce traître qui a découvert de nouvelles terres pour y faire périr toute la noblesse de Castille. » Le roi, qui n’avait pas pour l’amiral autant d’affection que la reine, ne se défendit pas si long-temps contre le soulèvement général ; et la reine même, après avoir fait plus de résistance, fut entraînée par la force du torrent. Mais, rien ne fit tant d’impression sur elle que de voir arriver trois cents esclaves américains qui avaient été embarqués contre les ordres de l’amiral, et probablement par la connivence