Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

informations sur leur conduite ; mais il leur rendit la liberté, sans s’embarrasser même de sauver les bienséances.

Des emportemens si peu ménagés firent craindre pour la vie des trois frères. Leur procès fut instruit : Bovadilla semblait avoir été trop loin pour s’imposer des bornes, ou si la facilité qu’ils eurent à détruire des accusations vagues, dont la plupart ne regardaient même que leurs intentions, parut lui causer de l’embarras, c’était un motif de plus pour se défaire de trois ennemis dont la justification entraînait infailliblement sa perte. Cependant il n’osa pousser l’audace jusqu’à faire conduire au supplice un grand officier de la couronne ; et, se contentant de rendre un arrêt de mort contre lui et ses frères, il prit le parti de les envoyer en Espagne avec l’instruction de leur procès, dans l’idée apparemment que le nombre et l’uniformité des dépositions, la gravité des charges, et la qualité des accusateurs dont la plupart avaient eu d’étroites liaisons avec les accusés, feraient confirmer sa sentence. Les prisonniers n’étaient pas sans inquiétude pour la décision de leur sort. Un historien raconte qu’Alfonse de Vallejo, capitaine de la caravelle qui devait les conduire, étant allé prendre l’amiral pour le faire embarquer, cet illustre vieillard lui dit tristement : « Vallejo, où me mènes-tu ? En Espagne, monseigneur, répondit le capitaine. Est-il bien vrai ? reprit l’amiral. Par votre vie, repartit Vallejo, j’ai ordre