Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/371

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de vous faire embarquer pour l’Espagne» » Ces assurances calmèrent son esprit. Mais, pour ne laisser rien manquer à son humiliation, Bovadilla fit publier, avant son départ, un pardon général pour ceux qui avaient eu le plus de part aux révoltes passées, et remplit plusieurs brevets, qu’il avait apportés en blanc, des noms de Roldan, de Gueverre et des mutins les plus décriés par le mal qu’ils avaient causé. Vallejo reçut ordre, en mettant à la voile, de prendre terre à Cadix, et de remettre les prisonniers avec toutes les procédures, entre les mains de l’évêque de Badajos et de Gonçalo Gomez de Cervantes, parens du commandeur, tous deux ennemis déclarés des Colomb.

En sortant du port, Vallejo voulut ôter les chaînes aux trois frères ; mais l’amiral protesta qu’il ne les quitterait que par l’ordre du roi et de la reine. On assure qu’il ne cessa jamais de conserver ses fers, et qu’il ordonna même, par son testament, qu’après sa mort on les mît avec lui dans son tombeau, comme un monument de la reconnaissance dont le monde paie les services. Il est difficile sans doute de refuser quelques larmes à l’intérêt qu’inspire une âme fière et sensible, si profondément blessée ; à cet ordre d’un grand homme, qui veut emporter ses injures et ses maux jusque dans sa sépulture, qui veut que les outrages de la haine soient placés à côté de sa cendre, et qu’on ne puisse approcher de sa tombe sans