Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/375

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sion que la conduite de Bovadilla. Il s’efforça d’abord d’augmenter de plus en plus la haine qu’on portait dans l’Amérique aux Colomb : à la réserve de quelques officiers, le reste n’était qu’un assemblage de la plus vile canaille, ou d’un grand nombre de criminels sortis des prisons de Castille, sans mœurs, sans religion, et qui, n’étant venus si loin que pour s’enrichir, se persuadaient que les lois n’étaient pas faites pour eux. D’ailleurs, malgré toutes les précautions de la reine, il s’en trouvait de toutes les provinces d’Espagne, entre lesquels on sait qu’il y a des antipathies insurmontables, source de querelles et de divisions d’autant plus funestes dans un nouvel établissement, qu’il s’y trouve toujours des mécontens, et que les lois y sont moins en vigueur. En affectant une conduite toute contraire à celle de l’amiral, le nouveau gouverneur commit de grandes fautes : il n’y avait au fond de répréhensible dans l’ancien gouvernement qu’un peu trop de sévérité pour les Espagnols : prendre une méthode entièrement opposée, c’était se déclarer pour des brigands. Bovadilla donna tellement dans cet excès, qu’on entendait les plus honnêtes gens se dire entre eux tous les jours qu’ils étaient bien malheureux d’avoir fait leur devoir, puisque c’était un titre pour être exclus des grâces.

Le commandeur ne traita pas les insulaires avec plus de prudence et d’équité. Après avoir déduit les droits du prince au onzième, et