Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/376

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donné la liberté de faire travailler aux mines, il fallait, pour ne rien faire perdre au domaine, que les particuliers tirassent une prodigieuse quantité d’or ; aussi les caciques se virent-ils contraints de fournir à chaque Espagnol un certain nombre de leurs sujets, qui faisaient l’office d’autant de bêtes de charge. Enfin, pour retenir ces malheureux sous le joug, on fit un dénombrement de tous les insulaires, qui furent rangés par classes, et distribués suivant le degré de faveur où l’on était dans l’esprit du gouverneur ; ainsi, l’île entière se trouva réduite au plus dur esclavage ; ce n’était pas le moyen d’inspirer de l’affection pour le christianisme et pour la domination des rois catholiques, mais Bovadilla ne pensait qu’à s’attacher les Castillans qui étaient sous ses ordres, et qu’à faire en même temps de gros envois d’or en Espagne pour se rendre nécessaire, et pour confirmer les soupçons qu’il avait répandus contre la fidélité de l’amiral. Il en coûta la vie à un si grand nombre d’Américains, qu’en peu d’années l’île espagnole parut déserte. On ne lit point sans horreur, dans le récit même des Espagnols, les traitemens barbares auxquels ces infortunés furent assujettis : cette inhumanité pouvait être d’autant moins justifiée qu’elle était bien inutile ; jamais on n’avait trouvé de mines plus abondantes, ni d’un or plus pur. Un esclave qui était à déjeuner sur le bord de la rivière de Hayna s’avisa de frapper la terre d’un bâton, et sentit quelque chose de fort dur ;