Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

généreux pour avertir Ovando que, si l’on voulait s’en rapporter à son expérience, on était menacé d’une tempête prochaine, qui devait engager Torrez à différer son départ. Son avis fut méprisé, et la flotte leva l’ancre. Elle était encore à la vue de la pointe orientale de l’île, lorsqu’un des plus forts ouragans qu’on eût vus dans ces mers fit périr vingt-un navires chargés d’or, sans qu’on pût sauver un seul homme. Ce beau grain d’or dont on a raconté la découverte périt dans ce désastre. Jamais l’Océan n’avait englouti tant de richesses : mais ces richesses étaient le fruit de l’injustice et de la cruauté. Il semblait que le ciel voulût venger par la perte de tant de trésors le sang d’une infinité de malheureux qu’on avait sacrifiés pour les acquérir. Le capitaine général Antoine de Torrez, le commandeur François de Bovadilla, Roldan Ximenès, tous ceux qui avaient fait profession de haine pour les Colomb furent ensevelis dans les flots. Les onze navires qui furent épargnés étaient les plus faibles de la flotte ; et celui dont on se promettait le moins, sur lequel on avait chargé tous les débris de la fortune des Colomb, fut le premier qui toucha aux rivages d’Espagne. La perte fut évaluée à dix millions.

On doit juger de la consternation qu’un si funeste événement répandit dans les deux mondes. Il fut regardé comme un châtiment de l’injustice qu’on avait faite à l’amiral ; et, lorsqu’on fut informé de l’avis qu’il avait donné