Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/385

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nos mœurs actuelles, paraîtra moins étrange, si l’on songe que les idées religieuses entrent facilement dans une imagination ébranlée par les secousses de tant d’événemens extraordinaires, et qu’un homme échappé à tant de dangers est porté volontiers à croire une protection surnaturelle qui l’a accompagné dans tous les momens de sa vie.

Tandis que l’infatigable Colomb, tourmenté d’une goutte cruelle, abattu et presque mourant, conservait cette activité inquiète qui caractérise tous les hommes nés pour les grandes choses ; tandis qu’il était le jouet des tempêtes, à quelque distance des rives du Mexique, qu’il ne lui fut pas donné d’apercevoir, on dévastait par les barbaries les plus exécrables la colonie qu’il avait fondée. Ovando ne se vit pas plus tôt en possession du pouvoir suprême, que, pour contenir les Américains, il n’imagina pas de meilleur moyen que de dépeupler une de leurs plus grandes provinces. La perfidie fut jointe à la cruauté : la sœur du cacique Boechio, mort depuis peu sans enfans, la princesse Anacoana avait succédé au gouvernement de Xaragua. Portée d’inclination pour les Castillans, elle s’était d’abord appliquée à bien traiter ceux qu’elle y avait trouvés établis ; mais elle n’en avait été payée que d’ingratitude, et peut-être la haine avait-elle succédé à son affection : ils se le persuadaient du moins, parce qu’ils devaient s’y attendre ; et de part et d’autre ce changement produisit quelques hos-