Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/408

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plein de zèle pour le bien public et pour la religion. Il avait une piété solide, une probité sans reproche, et l’esprit orné par les sciences, qu’il avait étudiées, dans l’université de Padoue. Il faisait même des vers.

Tant de qualités éminentes ne furent point sans quelques défauts. Colomb, passé tout d’un coup de l’état de simple pilote à des dignités qui ne lui laissaient voir au-dessus de lui que le sceptre, conserva de sa première condition une défiance qui le rendit trop jaloux de son autorité. Il était naturellement porté à la colère, quoiqu’il trouvât en lui assez de force pour en réprimer les saillies. Peut-être, ne considéra-t-il point assez qu’il avait à conduire une nation fière, et qui ne recevait pas volontiers la loi d’un étranger. On lui reproche de la dureté pour les Américains, et d’avoir paru trop persuadé qu’ils étaient nés pour être esclaves. Ces légères taches n’ont point empêché les historiens espagnols de rendre à son caractère toute la justice qui lui était due. Oviédo ne fit pas difficulté de dire à Charles-Quint qu’on n’aurait pas porté trop loin la reconnaissance et l’estime en lui élevant une statue d’or. Herréra le compare à ces héros des premiers temps dont l’antiquité profane a fait des demi-dieux. Le roi Ferdinand, revenu de l’injuste prévention par laquelle il s’était laissé trop long-temps gouverner, ordonna non-seulement qu’on rendît des honneurs distingués à sa mémoire, mais