Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/53

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liberté consiste à courir ? Non ; mais les Koriaks à rennes sont riches de leurs troupeaux, et les sédentaires tiennent d’eux leurs vêtemens. La nature a rendu les uns libres, et les autres dépendans. Quand un Koriak à rennes va chez les autres Koriaks, ils courent tous au-devant de lui. On le comble de présens, on supporte ses mépris. Partout le besoin rampe, et l’opulence dédaigne. Rien de plus vain, de plus présomptueux que les Koriaks à rennes. Le philosophe russe leur fait un reproche d’être persuadés qu’il n’y a point de vie au monde plus heureuse que la leur. Ils disent, comme presque tous les sauvages de la terre aux peuples commerçans de l’Europe : « Si vous étiez plus riches que nous, vous ne viendriez pas de si loin chercher ce qui vous manque sans doute ; contens de ce que nous possédons, nous n’avons pas besoin d’aller chez vous. » Les Koriaks à rennes portent leur orgueil jusque dans leur morale. Jaloux de leurs femmes, ils les tuent, elles et leurs amans, quand ils les surprennent en adultère, souvent même sur un soupçon d’infidélité. Tout leur fait ombrage. Il faut qu’elles soient malpropres, dans la crainte d’irriter leurs maris. Jamais elles ne se lavent ; jamais elles ne peignent leurs cheveux ; jamais elles n’ont de rouge sur le visage. « Pourquoi se farderaient-elles, disent leurs maris, si ce n’était pour plaire aux autres, puisque nous les aimons sans parure. » Aussi portent-elles leurs ajustemens les plus beaux sous des habits.