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a de la mousse pour leurs rennes, contens de l’eau de neige pour leur boisson, et d’arbustes verts pour se chauffer. Aussi leurs yourtes sont-elles inhabitables, par la fumée et par l’humidité qu’occasione leur feu, qui fait dégeler la terre. On ne voit rien à travers ce brouillard âcre et brûlant ; on y perd les yeux quelquefois en un jour. Il est aisé de juger à la construction même de leurs yourtes, que ces Koriaks ne sont pas sédentaires. Sans planchers, sans cloisons, quatre pieux avec des traverses qu’ils supportent, un foyer entre ces pieux, où les chiens sont à l’attache, voilà le logement de ce peuple errant. Souvent les chiens attrapent la viande dans les marmites, malgré les coups de cuiller que leur donnent les femmes en faisant la cuisine. Elle n’est pas délicate ; on cuit la viande avec la peau couverte de tout son poil ; encore n’est-ce que de la chair de rennes morts de maladie, ou arrachés à la gueule du loup qui les a étranglés. Un Koriak aura jusqu’à dix mille rennes dans ses troupeaux, et n’en tuera pas un pour se nourrir, à moins qu’il ne veuille régaler un hôte par extraordinaire. On dit que c’est humanité dans ces sauvages, quand ils respectent la vie des troupeaux, qui font leur soulagement par l’usage des traîneaux, et leur richesse par le commerce des peaux. Les Koriaks attendent que la nature détruise elle-même ces animaux pour nourrir les hommes. Ils ne font point, dit-on, l’office de bourreaux, envers leurs bien-