Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gers, soit conquérans, soit fugitifs. On discernera tantôt le mélange et l’altération de deux langues, dont une troisième s’est formée, et tantôt le démembrement et la division d’une seule langue en plusieurs dialectes. On verra qu’en ce genre l’esprit humain n’est pas aussi fécond, aussi inventif qu’on le suppose ; et peut-être en admirera-t-on davantage la puissance de la nature, qui, faisant la loi aux hommes, leur prescrit en quelque sorte les noms en leur donnant les choses. Enfin on découvrira la règle infaillible et constante que suit l’homme, soit en créant, soit en dénaturant, soit en modifiant bien ou mal une langue : on découvrira sa marche générale dans la nomenclature des êtres sensibles, qu’il désigne presque toujours par le bruit, la couleur et le mouvement qui leur sont particuliers, par quelque effet dominant de la qualité qui constitue leur principale relation avec nos organes : on découvrira les écarts et les progrès de l’imagination dans l’appellation des choses intellectuelles, qui ne sont elles-mêmes que les divers rapports des choses physiques, soit entre elles, soit avec nous.

Ces idées générales nous mènent à des réflexions particulières tirées de la nature des langues dont il s’agit dans ce chapitre. » Les Kamtchadales, dit Steller, ont la coutume de donner à chaque chose un nom qui marque sa propriété ; et alors ils n’ont égard qu’à quelque ressemblance du nom, et aux effets de la