Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 19.djvu/120

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n’était point encore séparée dans le lieu qui fut choisi.

On fit le 10 des efforts extraordinaires pour traverser les glaçons, jusqu’à deux grandes surfaces de glace assez semblables à deux plaines, mais jointes par une espèce d’isthme. L’impossibilité du passage fit une nouvelle nécessité de décharger les deux bâtimens, de transporter leur charge, et de les traîner eux-mêmes plus de cent pas sur la glace, jusqu’à l’ouverture d’une autre eau. Ils recommencèrent ensuite à voguer, mais fort lentement, pour traverser un petit espace qui s’offrait entre deux glaçons flottans d’une prodigieuse grandeur, au risque d’être écrasés, si les masses étaient venues à se joindre. Lorsqu’on fut sorti de ce détroit, un vent d’ouest fort impétueux, dont on fut pris droit en proue, obligea de gagner la glace ferme, quoique avec beaucoup de peine à s’en rapprocher. On y tira les deux bâtimens avec une fatigue qui réduisait tout le monde au désespoir. Dès le lendemain, on vit un grand ours fort gras, qui s’avançait à la nage vers les tentes. Il reçut plusieurs coups de mousquet, qui le firent tomber sans mouvement. La liqueur chaude qui sortait de ses blessures ressemblait moins à du sang qu’à de l’huile, sur l’eau où elle coulait. Quelques matelots se mirent sur un banc de glace, qu’ils firent flotter vers le cadavre ; et lui ayant jeté une corde au cou, ils l’entraînèrent sur la glace ferme, où l’on ne fut pas peu sur-