Page:La Pentecôte du Malheur.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avons eu à écouter des « maximes de basse prudence ». Ont-elles pénétré jusqu’au fond de notre conscience et l’ont-elles tuée ? À Dieu ne plaise ! Mais depuis août 1914 nous entendons le cri que poussent en Europe nos frères en liberté. Ils n’ont pas demandé à notre bras débile de combattre pour leur cause, mais ils ont attendu en vain que notre voix se fît entendre. L’histoire nous pardonnera-t-elle ce silence ?

En attendant, les maximes d’une basse prudence, sous le masque du sentiment chrétien, nous conseillent tous les jours de conserver à notre bras son impuissance et sa débilité. Ce n’est pas ainsi que Washington a pu traverser l’épreuve de Valley Forge et que Lincoln a pu triompher à Appomattox. Si le Quatre-Juillet et la Déclaration d’Indépendance que ce jour commémore ont encore un sens pour nous, donnons à notre bras la force qu’il lui faut.

Et cela, dans notre propre intérêt. Dans l’intérêt de l’humanité, si cette guerre nous enseigne que nous siégeons au conseil des nations et que nous avons dans la prospérité des peuples notre part de responsabilité, nous aurons fait un grand pas dans la voie de notre développement national et spirituel, et nos théories sur la fraternité humaine pourront peut-être avoir une application réelle.

XV.

Il nous reste encore à reprendre possession de ce qu’il y a d’excellent en nous. Il nous reste aussi à nous rendre compte que, depuis la guerre avec l’Espagne, l’Europe nous a attribué, dans le concert des grandes nations, une importance plus grande que celle que nous nous donnons nous-mêmes.

Dans le New York Sun quelqu’un a écrit ceci :

Nous ne sommes pas Anglais, Allemands ou Suédois,
Ni Autrichiens, Russes, Français ou Polonais ;
Mais nous avons formé une race à part
Et nous nous sommes créé une âme à part.

Cela a l’air de quelque chose ; mais cela ne signifie rien, absolument rien. L’Amérique proclame la fraternité des peuples et parle d’une âme à part !

Parler de l’Ancien-Monde et du Nouveau, c’est s’exprimer dans une langue morte. Le monde est un. L’humanité entière est embarquée sur le même navire. Les passagers sont plus nombreux ; mais le navire a les mêmes dimensions. Et il faut employer la force contre ceux qui le font osciller. L’Amérique ne peut pas plus séparer ses destinées de celles de l’Europe qu’elle ne peut se soustraire aux lois de la nature.

Se figure-t-on que, parce que nous avons proclamé notre indépendance politique, nous sommes indépendants des actes et du sort des monarques ? S’il en est ainsi, que l’on médite ces quatre événements. En 1492, une reine d’Espagne a fourni des subsides à un navigateur nommé Colomb — et l’Europe a étendu le bras et mis la main sur cet hémisphère. En 1685, un roi de France a révoqué un édit — et des milliers de huguenots sont venus enrichir notre nation. En 1803, un consul français, pour faire pièce à la Grande-Bretagne, nous a vendu un certain territoire,