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Allegria


Elle habita longtemps une vallée aride,
Près d’une route blanche où le soleil brûlant
Faisait tourner l’ombre d’un liège au tronc sanglant
Devant une maison mélancolique et vide.

Elle partit un jour avec des muletiers
Porteurs de bagues et de capes écarlates,
Vers un pays de fleurs, de fruits et d’aromates,
Et vécut de l’amour des hommes étrangers.

On la voit maintenant à Palma de Majorque
Dans une cour pleine d’eaux vives et d’odeurs,
Avec des perroquets atrocement jaseurs,
Un négrillon, et des bijoux à pendeloques.

Allegria connaît là-bas des jours heureux,
Comme un oiseau chanteur dans une belle cage ;
Elle passe son temps à peindre son visage
En savourant des fruits entre deux amoureux.