Page:La Pléiade, 1921.djvu/78

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Et mes yeux, destinés aux espaces nouveaux,
Voient mourir pour toujours dans la nuit sidérale
Les constellations sœurs de la Croix australe,
Au sein du ciel désert des sauvages plateaux.

Les dernières odeurs des pommes des jamroses,
Le dernier souffle de la terre et du grand vent,
Me pénètrent d'un charme étrange et décevant,
Et mon dernier beau jour se lève sur les choses.

Je sens que toute ma jeunesse, et que mon cœur,
Mon cœur naguère plein de volupté sereine,
M'abandonnent au seuil du jardin de la Reine,
Où le printemps austral s'éveille dans sa fleur.

Ô printemps coloré, lianes renaissantes,
Colonnes blanches du palais abandonné,
Et vous, île suave, à qui j'avais donné
Le meilleur de moi-même, ô Nature puissante,

Faites pour moi ce jour de départ et de mort
Si plein de voluptés, d'odeurs et de sourires,
Que la brise du large et le pont du navire
En gardent la saveur jusqu'aux terres du Nord ;