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Son geste, fermer les rideaux de la bercelonette, afin que Paul ne voit pas sa fille, est le symbole de sa muette et inapaisable rancune.

Pierre et Jean conte une histoire d’adultère, non pas exalté par un idéal romantique et conventionnel, mais envisagé froidement avec toutes ses conséquences.

Ainsi le problème qui a ému tous les moralistes, différence entre la tromperie du mari et celle de la femme, prend un nouveau caractère. Car, vis à vis du mari, l’épouse a des droits, la trahison revêt un aspect de vengeance, mais, en face de l’enfant désarmé, elle a des devoirs, et elle y manque en l’élevant dans une atmosphère de mensonge. La tare des amours soi-disant libres, c’est qu’ils sont dans une société point libérale. Une femme, en donnant son corps, se trouve, de par la fatalité de sa nature, exposée à créer un être qui, conçu en dehors du mariage, portera un nom qui ne sera pas le sien, ne pourra jamais dire « mon père » à l’homme qui a éveillé sa vie.

Certes, l’épouse mal mariée est libre de se reprendre, mais elle ne doit pas élever près de son fils aîné un enfant adultérin. Elle n’a pas songé, la triste femme, à l’heure de l’expiation, non pas la rupture, douleur ardente qui retire son apaisement de sa violence même, l’expiation, c’est le moment où son fils devra la juger. La mère apparaît divinisée à l’homme le plus sceptique. Il ne doute point d’elle, qui lui semble pure entre les pures, et cette femme même introduit au foyer un enfant étranger dont la présence symbolise la trahison, rappelle les voluptés volées !

On se souvient de cette parole de Dumas : « Quand on est une honnête femme, il n’y qu’une chose à faire, quoiqu’il en coûte, c’est de rester honnête ; autrement il y a trop de gens qui en souffrent plus tard. »

La femme agonise de remords près de ce fils qui, pour lui épargner une humiliation, s’exile. Ainsi la maternité engage le présent et l’avenir, enlève le droit au recommencement. Mais elle garde un tel rayonnement qu’en notre besoin de croire à une humanité meilleure, nous songeons à notre mère.

Ce livre fut un de ceux auxquels Mme de Maupassant s’intéressa le plus. Mère passionnée qui trouva dans l’affection de ses fils l’apaisement à ses tristesses d’épouse, elle discuta avec Guy toutes les péripéties de ce drame, y apporta sa science du cœur humain et la conclusion du roman fut conforme à sa stricte morale.

Les deux dernières œuvres de Maupassant Fort comme la mort