Page:La Revue, volume 41, 1902.djvu/612

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et Notre cœur se passent dans le milieu mondain que le romancier fréquenta vers la fin de sa vie.

À Cannes où il passait les hivers, et à Paris, il était fort recherché de la société à laquelle il appartenait par sa naissance et qui le revendiquait, car les gens du monde, à pénétrer dans le cercle de lumière que forme une gloire, se croient devenus eux-mêmes lumineux.

Entre ces trois êtres, le peintre Bertin, la comtesse et Annette se joue une tragédie d’âme. Ils sont les victimes inconscientes de la fatalité qui trouble la quiétude d’un amour parvenu à l’heure sereine. C’est aussi la Fatalité qui amène la mort d’Olivier. Et, cet acquiescement à une volonté surnaturelle prend une grandeur émouvante.

Guy devina que la vie soi-disant heureuse de la mondaine recèle souvent bien des tristesses inapaisées. Car, pour la femme qui a trouvé sa raison de vivre dans un amour, l’agonie de la jeunesse sera l’agonie de la vie sentimentale, dont la chaîne est tissée de minutes amoureuses que sa chair fanée ne pourra plus donner. Et voici qu’apparaît sa fille, une autre elle-même ressuscitée et rajeunie. L’enfant ignorera son pouvoir maléfique ; inconsciente et jolie, elle passe, la tueuse du passé.

Maupassant, qui a compris toute la grandeur d’âme des mères, montre la comtesse sans colère et sans jalousie contre l’enfant innocente. Mère désespérée. Elle gravit chaque jour son calvaire, sans hostilité contre Annette, n’ayant qu’une tristesse résignée.

Ainsi chacun est l’instrument inconscient de la fatalité. Annette est venue, et l’âme de la mère a été désespérée. Et l’amante passionnée envoie elle-même Olivier vers la mort brutale. Et tout cela, affreusement triste, reste douloureusement vrai.

Maupassant, qui dédaigna de jeter son âme secrète en pâture à la foule, puisqu’il interdit la publication de ses lettres, a pourtant dévoilé toute cette âme douloureuse et lasse dans Notre cœur.

Michèle de Burne a existé, et fut peut être la seule personne que Maupassant aima. Comme son héros Mariolle, l’auteur « considérait les femmes comme un objet d’utilité pour ceux qui veulent une maison bien tenue et des enfants, comme un objet d’agrément relatif pour ceux qui cherchent des passe-temps d’amour. »

Et pourtant il devait rencontrer la passion à la fin de son