Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/277

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yeux du monde, la grandeur, accrue encore par la férocité des massacreurs, la grandeur de la Commune de Paris.

Quand pendant de longues journées Paris isolé, incendié, égorgé par les assassins versaillais, agonisait, il est apparu alors à tous les peuples comme incarnant le prolétariat, combattant pour sa délivrance, et la révolution militante. Les fureurs prolongées de la réaction versaillaise applaudie, secondée, par la réaction et le capitalisme de tous les pays, répandirent partout cette impression, confirmèrent cet effet, donnèrent plus d’éclat à cet appel à la vie de la révolte organisée de tous les misérables, de tous les opprimés.

Aussi la lutte et la chute de la Commune, son histoire et sa légende furent comme l’évocation universelle de la conscience socialiste et révolutionnaire. Et dans les pays même où il n’y avait jusqu’alors que de vagues revendications démocratiques, le socialisme s’affirma. S’il n’est pas né à la Commune ; c’est de la Commune que date le parti de la Révolution internationale qui ne veut plus livrer bataille dans une ville, pour y être enfermé et écrasé, mais veut à la tête des prolétaires de chaque pays et de tous les pays, assaillir la réaction nationale et internationale et mettre fin au régime capitaliste.

M. Dereure
Membre de la Commune
actuellement ouvrier cordonnier.

— Élu en novembre 70 à la municipalité du xviiie avec Clemenceau, Lafont et Jaclard, je suis resté à mon poste de combat, fidèle à l’insurrection ; élu membre de la Commune le 26 mars, j’ai combattu pour sa cause jusqu’au dernier jour de bataille.

— L’organisation parlementaire ?

— La Commune s’est trop occupée de détails dont il eût été préférable de ne s’occuper qu’après la victoire militaire. Elle était puissamment organisée. Le comité central de la garde nationale, qui avait été élu pour empêcher les Prussiens d’entrer dans Paris et qui siégea le 18 mars à l’Hôtel de Ville, ne comprit pas son rôle, et ne voulut pas prendre la responsabilité de jeter ses bataillons sur Versailles dès le début. Il laissa à Thiers le temps d’organiser l’armée d’investissement et ne se préoccupa que des élections de la Commune. Il avait cependant pris des dispositions pour s’emparer des forts, mais il envoya au Mont-Valérien l’absintheur Lullier, que j’eus à secouer ivre-mort sur un canapé de l’Hôtel de Ville. Et, sur une promesse illusoire du commandant du fort, le traître n’y laissa pas les bataillons qu’il avait amenés. Aussi à la sortie du 3 avril, sortie qui avait été organisée par quelques membres de la Commune sans le consentement de celle-ci, les Parisiens furent-ils stupéfaits et immédiatement démoralisés de se trouver sous le feu du Mont-Valérien. La