Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/278

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confiance était perdue. J’estime qu’après cette défaite, il n’y a pas plus de 40 000 hommes qui à tour de rôle aient défendu Paris. J’ai très souvent été aux avant-postes et c’était la perpétuelle réclamation des officiers supérieurs : Nous manquons d’hommes, il nous faut des renforts. Vers la fin de la Commune je fus délégué auprès de Dombrowsky, surveiller ses actes. Versailles lui avait offert un million, pour dégarnir une des portes, il avait lui-même dénoncé le fait au Comité du Salut Public. Voulait-il trahir ? C’est un point difficile à élucider. Je suis persuadé qu’il n’était pas un traître. Ce que j’ai vu, c’est qu’il était absolument impossible d’envoyer les compagnies au Point du Jour. Les obus du Mont-Valérien, de Montretout et des hauteurs d’Issy y pleuvaient. Quelque chose de singulier, c’est que le château de la Muette où siégeait l’état-major ne reçut que deux obus — un dans l’escalier, un dans les écuries — alors que, placé, comme il était, à la portée des obus du Mont-Valérien, il aurait dû être pulvérisé. Il devait y avoir dans l’état-major deux ou trois mouchards dont il importait de ménager la vie.

— Financièrement ?

— Si la Commune avait mis l’embargo sur la Banque tout eût beaucoup mieux marché et il s’agissait non seulement de la Banque mais de toutes les banques. Et il fallait saisir aussi les recettes journalières de toutes les compagnies de chemins de fer. Un détail : les directeurs de ces compagnies, je me rappelle les avoir vus au ministère des Finances, où Varlin les avait convoqués. Ils étaient en face de deux ouvriers, Varlin relieur, moi cordonnier. Et ces gens, que l’on dit si arrogants envers leurs ouvriers, faisaient preuve d’une platitude dont je suis encore écœuré.

— Administrativement.

— Tous les services furent facilement réorganisés et fonctionnèrent sans encombre.

— Que pensez-vous du rôle du Comité central après les élections de la Commune ?

— Il y eut une dualité fâcheuse, mais il était impossible à la Commune de briser le Comité central, qui avait la garde nationale dans les mains.

— Aviez-vous l’illusion que vous pouviez être vainqueurs ?

— Nous ne nous faisions pas illusion. Et en général, les membres de la Commune avaient fait le sacrifice de leur vie. Mais envers la foule nous ne pensions pas que la répression pût être aussi ignoblement cruelle.

— Une fois les Versaillais dans Paris, vous semble-t-il que tous les membres de la Commune aient fait leur devoir ?

— Non, il semble que le premier soin de certains d’entre eux ait été de se dissimuler. Je me rappelle avoir vu aux dernières heures Ranvier, Varlin, Ferré, Gambon, Theisz, Jourde, Serrailler, Trinquet. D’autres se battaient sur d’autres points ; d’autres avaient été faits prisonniers ou étaient bloqués dans leur quar-