Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/296

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puis Washburn et Kern, au nom des États-Unis et de la Suisse, venus, je crois, au ministère pour avoir des laissez-passer, demander au délégué à la guerre si l’on était prêt, du côté de la Commune, à accepter une conciliation. La réponse fut toujours oui. On sait comment ces tentatives de médiation se heurtèrent à l’implacable dureté de Thiers.

3e Question. — Quelle a été, selon moi, l’influence de la Commune sur la marche des événements et des idées ?

En France, je l’ai dit plus haut, son premier effet fut de maintenir et d’imposer la forme républicaine, forme qui, même aux trois quarts vide, à l’avantage de promettre et d’appeler un contenu vraiment démocratique.

Mais, au lendemain de l’épouvantable saignée qui priva le prolétariat parisien de ses éléments les plus énergiques, ses adversaires profitèrent de cet affaissement momentané pour tenter de ramener la France en arrière. Bien que le sang plébéien versé alors fût au sang bourgeois qui avait coulé dans la proportion d’un tonneau à quelques gouttes, il fut convenu que la Commune avait été composée de massacreurs, d’incendiaires, de bandits. La réaction cléricale et monarchiste joua fort habilement du cadavre et elle exploita, au profit de ses rancunes et de ses espérances, la légende rouge qu’elle avait faite.

Les essais de restauration du trône, le long séjour du gouvernement à Versailles, l’obstination de nos ministères successifs à tenir Paris hors du droit commun et à lui refuser ses libertés municipales, les organisations de pèlerinages à grand fracas, le vote décidant la construction sur la butte Montmartre, là même où l’insurrection avait commencé, d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur, le coup d’État avorté du Seize-Mai, furent dus en grande partie à l’écrasement des partis d’avant-garde et au souvenir perfidement amplifié de leur redoutable soulèvement. Combien de fois n’a-t-il pas suffi, pour empêcher les réformes les plus anodines et les plus justifiées, de crier aux Chambres : Vous allez laisser faire la Commune légale !

On vit en même temps les théoriciens et les pamphlétaires de la bourgeoisie, Taine, Renan, Jules Simon, Maxime Du Camp, renier leurs velléités libérales d’autrefois, honnir la démocratie et le socialisme, répudier les principes et les traditions de la Révolution du siècle dernier ; et dans les salons, les Académies, les Revues bien pensantes, les chaires universitaires, commença contre le dix-huitième siècle, contre l’esprit laïque, contre la science et la raison cette campagne qui dure encore et qui a valu succès mondains et faveurs officielles à toute une génération de critiques, de romanciers, de professeurs réactionnaires.

On peut dire aussi que la génération qui était en 1871 assez âgée pour voir les horreurs de la guerre civile, mais trop jeune pour partager la fièvre et les périls du combat, garda de cette sombre vision une mélancolie et un abattement profonds. Je croirais volon-