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La création d’un journal de ce nom fut décidée et exécutée.

Le 24 février : deuxième réunion, même salle, plus nombreuse encore. On y discute, vote et proclame les Statuts organisant la Fédération.

C’est à l’issue de cette mémorable séance que l’assemblée décida de se rendre en bon ordre à la Bastille, au pied du monument, pour rendre, en cet anniversaire, hommage à la mémoire des révolutionnaires tombés pour la défense des libertés.

Piconel, membre du Comité, juché sur le piédestal, de sa voix de stentor harangua la foule. Ce fut grandiose et électrisant.

Les 3 et 15 mars, réunions de plus en plus nombreuses : près de 3 000 délégués étaient présents, le 15 mars 1871, munis de mandats très sérieusement contrôlés.

À cette date la Fédération était faite : il ne restait à faire que l’élection des chefs dans les bataillons.

Entre le 24 février et le 3 mars s’étaient produits deux faits importants, l’expiration de l’armistice d’abord, dont la prolongation n’avait point été portée à la connaissance des citoyens.

Dès le soir et toute la nuit, sorte de veillée des armes, la garde nationale fut sur pied spontanément, prenant les ordres du Comité, que les circonstances avaient contraint de s’installer à la mairie du Temple. Il s’agissait d’éviter de nouvelles surprises auxquelles les gouvernants ne nous avaient que trop habitués.

Les « Pas un pouce de territoire, pas une pierre de forteresse… Notre glorieux Bazaine… Mort ou victorieux… Le gouverneur de Paris ne capitulera pas… etc. etc. » avaient détruit toute confiance.

Le deuxième fait est plus caractéristique encore. La veille du jour où les Prussiens devaient faire leur entrée dans Paris, ville assiégée et soi-disant conquise, le Comité s’avisa que, dans la zone d’occupation toute momentanée, se trouvait un parc de canons, le parc Wagram.

Or, là se trouvaient précisément les canons dûs au patriotisme des citoyens et à leurs souscriptions. Sur les culasses se lisaient les noms des bataillons qui les avaient fournis.

Ce fut une traînée de poudre. En quelques heures, le fait à peine signalé, les prolonges, les attelages arrivaient à Wagram, et les canons étaient répartis, qui à la place des Vosges, qui à la butte Montmartre, où ils furent hissés à force de bras. Les femmes s’en mêlaient ; il y avait autant d’entrain pour les enlever que s’ils eussent été pris à l’ennemi ; et de fait, ils étaient suspects au moins, ces gouvernants qui laissaient à la discrétion de l’envahisseur ces témoignages du patriotisme des bataillons.

On les soupçonnait de préférer voir disparaître une preuve de l’ardeur parisienne pendant le siège.

Ces canons enlevés aux Allemands et installés au haut de Montmartre, la Garde qui les veillait nuit et jour, tout cela était pré-