Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/362

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mais le mal était fait et irréparable. — Trop de jours s’étaient écoulés du 25 mars au 18 avril.

Moindre fut, à mon avis, la manifestation de la minorité de la Commune.

C’était surtout une divergence sur les moyens d’action et d’exécution des mesures décrétées par la Commune pour la guerre.

La minorité trouvait qu’il y avait trop de temps perdu en discussions, en paroles, et que mieux valait se rendre sur le terrain des combats militaires et surtout assurer la défense.

Juge et partie, dans cette question, nous ne pouvons que la résumer en disant que dans les derniers jours on a vu majorité et minorité parcourir les mêmes dangers sans se compter, et qu’au 28 mai, à la mairie de Belleville, il n’y avait plus aucune distinction, quoique le nombre des membres de la Commune, restés jusqu’aux derniers jours, fût encore de près de trente.

Et pour clore cette poignée de souvenirs, j’en veux joindre un quelque peu inédit.

Après l’incendie de l’Hôtel de Ville, cette si grave erreur commise le matin du 24 mai, sans concert aucun d’ailleurs, les membres de la Commune furent contraints de se réunir à la mairie du xie.

Là, ayant la presque certitude d’une défaite finale, ils voulurent essayer d’épargner à Paris les effets de fureurs sanglantes qu’ils prévoyaient de la part de Versailles.

Ne pouvant espérer de succès direct avec Versailles, il fut décidé que, par l’entremise du commandant supérieur allemand à Saint-Denis, il serait demandé un armistice ; que les membres de la Commune se rendraient à merci et sans condition au gouvernement de Versailles ; que les fédérés rendraient leurs armes, et que nuls autres que nous ne porteraient la responsabilité des événements.

Il fallait faire vite.

Delescluze, Vaillant et moi fûmes délégués, et nous nous rendîmes à la barrière de Vincennes, accompagnés d’un étranger représentant sous le couvert de sa nationalité les intérêts allemands à Paris.

Son nom ne m’est plus présent à la mémoire ; je l’ai toutefois fait citer à mon procès à Versailles, afin de lui faire attester la véracité des faits, et il y est venu.

Nous ne pûmes aboutir le mercredi. Les postes de gardes nationaux de la barrière nous refusèrent la sortie et nous ramenèrent à la place du Trône, entre des baïonnettes.

On leur avait fait supposer que nous voulions fuir. Or, j’étais en tenue de chef de bataillon et nous leur avions offert de nous faire accompagner d’un détachement.

Delescluze était découragé de ces obstacles : je voulais aller chercher main-forte pour assurer l’exécution des décisions de la Commune : Delescluze me pria de n’en rien faire. Une missive de Ferré vint enfin dissiper les doutes, mais la journée était perdue. Delescluze n’eut plus que la force d’aller l’après-midi même, sur