Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

27 juillet 1871.
Chère amie,

Pourquoi ne répondez-vous plus ? Êtes-vous encore à la gare ? Nous ne pouvons le savoir car la prisonnière qui vient de nous arriver ne sait pas quelles sont celles qui sont parties, ni celles qui sont arrivées depuis notre départ, dites-le nous.

Vous avez Mariani Gilquin, n’oubliez pas de l’embrasser pour moi et pour Félicie Chantereine et Mme Gueguen. Nous n’avons pu malheureusement avoir de ses nouvelles, car vous ne répondez jamais.

Pourquoi ne demandez-vous pas à venir avec nous ? On travaille, cela aide à passer les longues journées.

Nous vous embrassons comme nous vous aimons.

J’ai su que Félicie Glingamer était en liberté ; est-ce que cette pauvre Hortense n’y est pas ? Dites-moi aussi si Marie Drée est partie. Du reste je vois bien que vous nous oubliez toutes deux pour être aussi longtemps sans répondre. Quant à nous, nous n’oublions personne. Dites à Mme Neele que maintenant avec ses lunettes elle peut très bien écrire.

Ne nous oubliez pas auprès de nos bonnes amies, et une poignée de mains à toutes les personnes.

Nous vous embrassons.

Louise Michel

20 rue de Paris.

Est-ce que Mme Dijon m’a oubliée ? Mme David est-elle encore là ? Toutes ces dames qui aiment à s’occuper s’ennuieraient moins ici. Mme Gueguen a reçu une lettre de son mari. Je n’oublie pas Victorine, ni Justine, ni personne.

Bien chère amie,

Votre lettre nous est enfin parvenue. En fait de détails sur notre vie, les seuls c’est que nous pensons beaucoup à vous, que les sœurs sont très polies, et que le travail de la bijouterie nous distrait. Mais en fait de nouvelles de vous il nous les faut toutes. D’abord j’embrasse tout le monde, même les méchantes ; il va sans dire que j’embrasse doublement mes amies. Pauvre grondeuse, vous devez vous ennuyer. Tâchez de mettre la patte sur quelqu’un qui ait mon caractère, cela vous distraira. Que dernièrement Mmes Nesle, Marie Drée, Jeanne l’ambulancière, David, tant d’autres, qu’il me semble voir autour de moi, et dont les noms m’échappent tant on vit rapidement et comme dans un rêve par l’époque actuelle.

Je vous envoie tout mon cœur ; surtout étant séparées, on sent combien les amitiés de prison sont vives.

Écrivez-nous le plus promptement que vous pourrez ; donnez-nous de vos nouvelles à toutes je vous en prie, n’oubliez pas la dame aux histoires de piété, ni Félicie Glingamer, Mme Comte, ni celles des nouvelles qui me connaîtraient par hasard ; n’oubliez pas la grosse Lucie si elle ne taquine plus les autres, et Victorine.

Je vous embrasse encore pour nous toutes.

Louise Michel

Félicie a écrit à Mme Ménier, elle n’a pas reçu de réponse. Écrivez-vous les lettres de ces dames ? Donnez-vous du papier aux gamins ? Écrivez-vous leurs lettres ? Donne-t-on à manger à la folle ?

— Étiez-vous brutalisées ?

— Voici une histoire, entre plusieurs. Près de la fontaine un brigadier donnait des coups de pied dans le ventre à un tout jeune homme qui arrivait d’Évreux avec sa mère. Il était coupable d’avoir répondu aux femmes qui lui parlaient. Celles-ci, ayant poussé des « oh » de réprobation : « Si vous ne vous taisez pas vous en recevrez autant », et séance tenante, il leur distribua des