Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/380

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coups de corde à la volée. Juste à ce moment je passais, tenant à la main une boite à sardines.

— Le tub de la Commune ?

— Instinctivement je frappe dans le dos le brigadier avec la boite. Il s’élance sur moi et me bat jusqu’à ce que je m’évanouisse. Mes pantoufles m’avaient quittée ; on m’emporte nu-pieds. Il y eut des cris de femme dans la prison, un attroupement dans la rue. Le lieutenant arrive furieux : « Vous vous permettez de rouspéter, sachez que nous avons sur vous droit de vie et de mort. » Les femmes qui avaient été battues, on les attache à des piliers, les mains derrière le dos. Ça fait mal au cœur d’avoir les mains derrière le dos, vous n’avez pas idée ! Peu après, on nous conduit à un manège. Des marins, des soldats de marine nous attachent, toujours les mains derrière le dos, à l’arbre de couche. Pendant la nuit nous réussîmes à nous détacher. Nous passons notre temps à chanter le Chant du départ qu’une d’entre nous, Mme Dijon, une femme très drôle, avait sur ses manchettes. Tout à coup une lumière sous la porte. Il était minuit, nous renfilons nos mains dans les cordes. Un brigadier entre, n’est pas dupe, et nous rattache. S’adressant à moi : « C’est toi sacrée putain, qui m’as battu. » Je ne réponds rien, je ferme les yeux dans l’attente d’un soufflet. Le lendemain, visite du commissaire Clément. Le scandale était connu dans la ville. Clément nous fit de grands discours. Il nous exposa que pendant la grande révolution… ceci et cela… mais que ce qui avait fait la Commune c’était l’envie. Il n’en finissait pas. La plupart ignoraient complètement ce qu’il voulait dire. Il nous menaçait de Saint-Lazare et finalement voulait bien nous pardonner. Il était excessivement solennel et non moins risible. Pour nous haranguer il s’était juché sur un escalier. Il soufflait beaucoup.

Au cours de notre détention, l’homme dont on eut le plus à se plaindre, est un lieutenant nommé Marcerou. Celui-là, à tout propos, cravachait les gens en pleine figure et leur donnait des coups de pied. Beaucoup de femmes étaient malades, plusieurs devinrent folles. Des femmes avaient à la maison plusieurs enfants. Je fus mise en liberté une des premières ; on était au mois d’août 1871.

M. Marquet de Vasselot
Sculpteur

Mon embarras eût été grand si la question que vous me posez aujourd’hui au sujet du rôle que j’ai eu pendant la Commune m’avait été faite à l’époque même de ces graves événements. À l’heure actuelle je me souviens de tout cela, comme un soldat se souvient d’une corvée désagréable. J’obéissais alors à mes chefs militaires comme je serais prêt à le faire encore demain si l’on avait besoin de moi.

Quant à mon appréciation au point de vue civil, j’estime que le