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DEUXIÈME ARTICLE[1]


Mais, si la rencontre avec Arthur Rimbaud détermina la personnalité novatrice de Paul Verlaine et influa par impérieux souvenir sur toute la vie postérieure d’icelui, il n’en fut pas de même au réciproque. Verlaine paraît n’avoir été qu’un accident, un incident dans l’évolution psychique et la marche vitale de Rimbaud, pourtant son cadet. Quant à l’essentiel, pour ce qui nous occupe, leur tempérament du tout au tout différait ; car, tandis que Verlaine était impulsé plus spécialement en les affections immédiates et présentes ou rétracté sur le passée Rimbaud aspirait en général à de l’inconnu, à de l’éloigné, à de l’étranger, sans de souci d’un hier et d’intérêt d’un aujourd’hui davantage que pour mieux désirer un demain. L’un de ces géniaux, celui-ci, était plutôt, dirait-on physiologiquement, un cérébral ; l’autre, celui-là, plutôt — parlant de même — un cardiaque.

Aucune relation affective n’eût pu retenir Rimbaud un plus longtemps que le strict laps nécessaire à la satisfaction ardente d’une hâtive curiosité. Certes, et de ses correspondances épistolaires le prouvent, il n’oublia, ne dédaigna son ami. Mais ce dépôt mémorial laissé par Verlaine, en dépit de l’héroïque et du tragique le colorant, n’eut guère en Rimbaud d’importance lumineuse plus que, chez nous autres hommes ordinaires, tel souvenir ni ri ni pleuré, regretté cependant, mais dans un haussement d’épaules. Au reste, « cette espèce de prodigieuse autobiographie psychologique », Une Saison en Enfer — après l’affaire de Bruxelles transcrite, à Roche (Ardennes), dans les souffrances de la blessure au poignet aggravée de tétanos et sous des brûlures d’alcool — établit métaphoriquement, Délires, I, les respectivités de la fameuse liaison. Sans conteste, la « vierge folle » c’y est Verlaine et l’ « époux infernal » Rimbaud. Il faut lire tout le chapitre, où l’époux dit, entre autres, à la vierge :

Comme ça te paraîtra drôle, quand je n’y serai plus, ce par quoi tu as passé. Quand tu n’auras plus mes bras sous ton cou, ni mon cœur pour t’y reposer, ni dette bouche sur tes yeux. Parce qu’il faudra que je m’eu aille très loin, un jour. Puis il faut que j’en aide d’autres ; c’est mon devoir. Quoique ce ne soit guère ragoûtant… chère âme…

Que, maintenant, à défaut de l’oeuvre complet de Rimbaud si bien caractéristique de Force, le lecteur ; s’il veut éclairer décisivement sa religion sur ce propos, daigne se reporter à la biographie,

  1. Le premier article a paru dans La revue blanche du 15 août 1896.