Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/454

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Qu’il vienne, qu’il vienne
Le temps dont on s’éprenne !


C’est trop encore. « Point de cantiques ! » Et il fera de cela, son esprit d’aujourd’hui, un autodafé. Aucun engagement, même d’espoir, ne doit l’arrêter, jamais.


Son ouvrage ainsi détruit, sauf quelques exemplaires à porter avec soi, Rimbaud prend aussitôt le train pour Paris, qu’il veut revoir et narguer.

Le 1er novembre de cette année 1873, Alfred Poussin, tout bon homme, le rencontre au café Tabourey, près de l’Odéon, et le régale. Rimbaud n’a pas encore dix-neuf ans : il s’est, de taille et de cheveux, notablement allongé ; son visage, bien que toujours enfantin, recèle en sa pâleur quelque chose de virilement amer et de redoutable. Le dessin d’Ernest Delahaye, illustrant notre premier article, le représente à cette époque. Poussin, lui, simple poète, en a gardé un souvenir d’effroi ; il raconte, pour s’appuyer, la répugnance craintive avec laquelle les rimeurs fréquentant alors chez Tabourey, et qui sont à présent célèbres, tenaient le poète du Bateau ivre en quarantaine. On glosait sinistrement, avec bêtise. Lui, le calomnié, souffrait toujours de son bras.

Aussi, quelques jours après son arrivée à Paris, reprenait-il le chemin des Ardennes ; d’où, ayant obtenu quelque argent de sa mère, il courut revoir l’Angleterre, en compagnie de Germain Nouveau, poète sympathique.


Fin de l’étude de l’anglais, alors ; professorat de français et existence besogneuse, à Londres, dans la province anglaise. Puis, retour au bout d’un an, fin 1874 par conséquent, à Charleville : sa mère y garde toujours un appartement pour l’hivernage.

Et l’on croirait que madame Rimbaud marque, enfin, une condescendance à l’égard des projets de son fils ! Elle l’avait vu détruire Une Saison en Enfer ; il exprimait, à présent, une volonté vers la science pratique et les langues vivantes, jurait définitif son abandon des lettres, de ces lettres dont elle gardera, incurable, la haine. Vraiment, il avait encore si peu d’âge !


Au fond, sa grande préoccupation, son idée fixe, à Arthur, c’était de quitter l’Occident pour l’Orient, de pouvoir aller embrasser plus matériellement les aubes. Il avait, à la vérité, le souci des connaissances scientifiques et linguistiques, sa soif de tout épreindre ne se limitant pas ; mais ces sciences et ces langues ne devaient être, l’argent faisant défaut, que des moyens de réaliser son rêve.

Ma journée est faite, avait-il prédit ; je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront… Il savait déjà l’anglais ; ensemble que de philomathie, il veut