Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/455

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maintenant s’occuper de l’allemand. De cœur et de bourse, sa mère acquiesce. Quelques jours de repos, par cet hiver, au pays natal ; et il partira pour Stuttgard.


C’est dans cette ville d’Allemagne, en pleine application d’études que le surprit Verlaine, retour de Mons, parti de Paris. Comment eut lieu la reconnaissance, et quel fut l’accueil de Rimbaud : nous l’avons déjà raconté ici, dans Verlaine héroïque. Aujourd’hui nous dirons seulement, afin d’éclairer un point légèrement suspecté, intéressant les lettres, qu’un échange, parmi des confidences esthétiques, eut lieu, entre les deux poètes, de productions. Rimbaud donna à Verlaine un exemplaire d’Une saison en Enfer ; à quoi celui-ci répondit par le don de manuscrits poétiques devant plus tard entrer dans la composition de Sagesse, entre autres cet


Ô mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour !


que mademoiselle Isabelle Rimbaud, trompée par une analogie graphique, ne craignit pas, un temps, d’attribuer, de faire attribuer à son frère.


Arthur, une fois en possession de l’allemand, ne tarda pas .à quitter Stuttgard. Il n’y avait pas quatre mois qu’il y était descendu.

En hâte de gagner les chaudes contrées de son désir, visant l’Archipel où, dans une Cyclade, à Paros ou à Naxos, un ami, M. Mercier, fabriquait du savon, il vend sa malle, cet impédiment, et prend le railroad pour jusqu’au pied du Saint-Gothard. À Altorf, il épuise son pécule. Et c’est sans le sou, farouche et résolu, qu’il gravit à pied le mont ; c’est épuisé et mourant qu’il le redescend. À force de courage il parvient à Milan, où une dame, apitoyée et charmée à la fois, le recueille, le soigne, le garde un mois. Il en profite pour apprendre l’italien. Et, dès réconforté, il se remet en marche, âprement, vers le sud ; vers Brindisi, lieu d’embarquement.

Mais sa santé jouait de malheur.

Sur la route de Sienne, dépassé Livourne, il est frappé d’insolation. On le ramène au port toscan ; il y est hospitalisé. Convalescent et refroidi, à sa sortie de l’hospice, il va trouver le consul français qui, sympathique, offre de le rapatrier.


Il convient de remarquer, au passage, que les façons d’être de Rimbaud, au contraire de ce que d’aucuns ont prétendu, étaient charmeuses et séductrices, bien et noblement. Une encyclopédique instruction, lui permettant de converser aisément dans leur langue avec les hommes les plus éminents des pays d’Europe, n’avait pas détruit chez lui ce laisser-aller bon et sans apparat de condescendance qu’il faut avoir pour plaire aux ouvriers et aux paysans. Il savait immédiatement se mettre au ton des humbles qui, vite,