Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
LA REVUE DU MOIS

au contraire l’adaptation préalable à une série de conditions qui a déterminé le choix de l’itinéraire.

L’adaptation aux variations habituelles du milieu fait qu’elles ne sont plus ressenties, et le poisson réagit à toutes les causes accidentelles sauf à celles-là. Il est facile de voir que la crainte d’une troupe de squales produit sur un banc de maquereaux un effet plus marqué qu’un abaissement de température ; inversement, on verra morues et colins quitter leur isotherme et oublier leur température optima pour suivre éperdûment un banc de harengs.

Et si nous transportons tout cela dans la pratique, nous dirons qu’une race de poissons se meut dans une masse d’eau, dans un courant, sans souci des conditions qu’on y rencontre ; elle y possède des habitudes régulières parfaitement connues du pêcheur et dont l’explication n’a plus dès lors qu’un intérêt spéculatif ; elle y présente en même temps des irrégularités, des anomalies d’allure qui intéressent directement le pêcheur, mais qui ont le plus souvent une cause extra-hydrographique.

Pour en donner un exemple concret rappelons que le hareng monte la nuit à quelque distance de la surface et qu’on le prend dans des filets tendus plus ou moins profondément, par 10 à 20 brasses environ ; cette profondeur se règle suivant les circonstances mais quelles que soient ces dernières, le hareng ne vient pas à fleur d’eau ; au contraire, le maquereau se prend dans les couches les plus superficielles et ce ne sont pas les circonstances hydrographiques qui l’y amènent régulièrement.

Si les variations modérées du milieu demeurent sans influence sur le poisson, il n’en est plus de même, semble-t-il, pour les changements notables ou les variations d’ensemble ; quand le courant se déplace ou se déforme de façon excessive, quand il est brusquement refoulé et remplacé dans son domaine par un autre courant, le poisson se trouve jeté hors des circonstances de son adaptation ; nul ne peut prévoir alors ce qu’il deviendra, sinon qu’il changera d’habitude et que la pêche traversera une crise ; c’est peut-être ce qui s’est produit pour la sardine bretonne s’il est vrai que le poisson se soit éloigné du rivage ; c’est