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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

ce qui se passerait sans doute sur la côte norvégienne si l’hypothèse de Pettersson se réalisait de loin en loin.

Pour des raisons toutes pareilles, le poisson montre une instabilité particulière aux confins du courant qu’il habite ; la frontière est pour lui une barrière qu’il ne peut franchir, et il en suit les oscillations plutôt que de pénétrer dans le courant voisin auquel il n’est pas adapté. D’ailleurs il s’attarde volontiers sur cette ligne que jalonne un plankton spécialement abondant et varié. Et l’on peut dire qu’en ces lieux d’élection la thèse océanographique se trouve particulièrement légitime. Un régime hydrographique à chaque instant variable détermine le rassemblement du poisson sur une ligne qui se déplace sans cesse.

Par exemple dans le Skagerrak on a noté l’invasion de l’eau des bancs à l’automne, et l’arrivée simultanée du hareng ; c’est là peut-être une simple coïncidence, car le hareng visite bien d’autres côtes sans qu’il y ait pareil conflit des eaux, et dans le Skagerrak même ce conflit peut se produire sans amener le hareng comme le passé et la suite l’ont montré trop souvent ; toutefois, l’hypothèse d’une relation causale n’est pas invraisemblable ici ; il a semblé d’ailleurs que l’arrivée précoce des eaux accélère l’apparition du poisson, que les oscillations du front d’invasion entraînent des oscillations parallèles du banc de hareng et si ces coïncidences de détail s’étaient reproduites pendant quelques années l’hypothèse fût devenue une loi. Malheureusement le hareng disparut à partir de 1898. Cette disparition même avait peut-être pour cause un trouble permanent dans le régime des courants : mais il n’a pas été possible d’en juger, car on ne connaissait pas assez le régime antérieur à la crise.

Cet exemple nous montre quelques problèmes accessibles à l’océanographie et le mécanisme de leur résolution : quand l’état océanographique et les événements de la pêche offrent deux singularités simultanées, on les attribue l’une à l’autre jusqu’à preuve du contraire : faute d’une coïncidence pareille on sera réduit à toutes les chances d’une enquête incertaine ou d’une intuition hasardeuse.

Mais l’intérêt essentiel de la méthode, c’est qu’elle supprime ou qu’elle ajourne à la fois l’analyse détaillée des goûts et réactions du poisson, et l’analyse détaillée des circonstances océanogra-