Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/48

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le toit à côté du cygne dont il essaya de gagner la faveur. C’était aussi un grand aigle. Je croyais ensuite observer que l’aigle qui était arrivé le premier entrait dans une violente colère contre le nouveau venu ; ils se querellèrent longtemps et avec beaucoup d’acharnement et je constatai qu’ils saignaient tous les deux. Ils se battirent tant et si bien qu’ils tombèrent de part et d’autre du mur de la maison : tous deux étaient morts. Le cygne resta sur le toit ; il était bien triste. En ce moment je vis arriver un oiseau du côté de l’ouest ; c’était un faucon. Il se posa à côté du cygne et se comporta tendrement envers lui. Ensuite ils s’envolèrent tous les deux ensemble dans la même direction ; et là-dessus je m’éveillai. » « Ce rêve, » ajouta-t-il, « n’a guère de signification ; il annonce probablement des orages qui s’amassent dans les airs et qui arrivent du côté d’où les aigles m’ont semblé venir. » — « Tel n’est pas mon avis, » répondit Barth. « Prends dans ce rêve, » reprit Thorstein, « les faits qui te paraissent les plus significatifs, et explique-les moi. » Barth dit : « Les deux oiseaux désignent sans doute les esprits tutélaires de grands hommes[1]. Ta femme est enceinte et mettra au monde une jolie et superbe fille que tu aimeras beaucoup. Des hommes distingués arriveront des contrées d’où sont venus les aigles et demanderont ta fille en mariage ; ils concevront pour elle le plus vif amour ; ils se la disputeront et périront tous

  1. Ces esprits ou génies tutélaires que les Scandinaves appellent fylgjur (all. Folgegeister) ou hugir, accompagnent l’homme pendant sa vie, le tourmentent quelquefois, le protègent d’ordinaire et lui dévoilent l’avenir. Ces âmes, avant d’être réunies au corps par la naissance ou après s’en être détachées par la mort, planent dans l’espace et apparaissent fréquemment sous la forme d’animaux en se livrant à certains actes qui symbolisent ceux que l’homme a accomplis ou est appelé à accomplir. Ces fylgjur rappellent les manitous des Indiens de l’Amérique du Nord.