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des hommes, quand on croyait toucher les cieux ! Parfois l’imagination, dernière ressource du malheur, essaie encore de rappeler à elle ses illusions passées. Vains efforts ! Le beau rêve fuit toujours ; il s’en va loin de nous jeter ses fleurs sur un berceau, il s’en va prodiguant ses plus pures délices à ceux que peut-être il doit quitter demain ; il s’envole comme l’hirondelle après les beaux jours, mais il ne revient pas comme elle.

Ne me plaignez donc point. Quand le cercueil de ma mère roula dans la fosse, je n’avais pas encore senti le cruel abandondon des rêves de l’enfance. Si ma mère ne me prodiguait plus ses innocentes caresses, si sa douce voix ne répondait plus à la mienne, il me semblait l’entendre chanter, au milieu des anges et des parfums du ciel, le Dieu qu’elle m’avait fait aimer. Elle chantait, blanche et pure comme une étoile des nuits, et parfois son regard traversant les champs de l’espace, s’abaissait avec un doux sourire sur l’enfant qui appelait sa mère. À l’heure où le soleil se meurt à l’horizon, enseveli dans sa gloire, quand un dernier rayon se joue encore entre le noir feuillage des vieux chênes ; que semant au hasard ses teintes de pourpre et d’or, il scintille sous les plus épais ombrages et s’épanouit en lueurs fantastiques et rayonnantes, miroitantes figures qui fuient et se balancent comme la verte chevelure des bois ; quand ces rares et capricieuses apparitions semblent saluer d’un dernier adieu ces frais et solitaires ombrages où se riaient les feux du jour, et dont le vent du soir va murmurer la plainte, alors je croyais distinguer les doux accents de sa voix, et joignant mes mains, je pleurais et je sentais mon cœur voler vers le sien. Vous le voyez, mon rêve n’était point achevé, ma vision était belle encore : je n’étais pas à plaindre ; et pourtant il y avait pour