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moi d’affreux souvenirs dans ce cimetière champêtre aux tombes verdoyentes, cachant la mort sous ses tapis de fleurs, dans ce précoce et fatal destin d’enfant. Qu’allais-je devenir ici-bas, orphelin, sans fortune et sans nom ? La vie devait-elle sourire à l’enfant agenouillé sur la fosse isolée ? pourrait-il reposer sa tête au jour de l’orage, celui que le monde en passant poursuivait déjà de ses longs mépris ?

Vaines questions qu’un cœur sensible peut s’adresser, sans doute, mais qu’à sept ans je ne savais pas comprendre. La vie venait vers moi horrible et menaçante, et moi je souriais à la vie. La misère s’approchait avec ses peines sans fin, ses obscures douleurs, ses cruelles angoisses ; et résigné, je l’acceptais sans la comprendre. L’horizon s’assombrissait et je cueillais les fleurs du jour comme l’oiseau chante avant l’orage. Que m’importait à moi ? Pouvais-je redouter la vie, quand je ne la sentais pas encore ? Était-ce à moi de m’inquiéter du monde, à moi de songer à la terre, quand le vent du matin parfumait mon visage, que le soleil dorait ma blonde chevelure, et qu’enfant, j’avais le ciel au dessus de moi ?

Il me prit en pitié, ce ciel ami du pauvre, il mit un ange sur ma route. Une pauvre femme, qui dans des jours meilleurs avait goûté près de ma mère toutes les douceurs de l’opulence ; qui, plus tard, partageant ses infortunes et la suivant au village, avait continué de servir cette ancienne maîtresse qui ne pouvait plus payer ses soins, voulut bien transporter sur le fils toute la tendre amitié qu’elle avait montrée pour la mère. Marguerite ne vit pas, sans être attendrie, cet enfant jeté si faible au milieu des tempêtes du monde, et voulut remplacer près de lui celle qu’elle avait tant aimée. De bonne heure elle s’était attachée à ma mère,