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vis pour cet enfant qui pleure à tes côtés ; et la pauvre fille bénissant la voix du ciel, s’écria : Je vivrai pour lui. Elle pleurait en me regardant ; et moi, par cet instinct de l’enfance qui sait deviner le cœur d’une mère et aimer la vertu sans la comprendre, je m’élançai dans ses bras. Elle me pressait contre son cœur, et pleurant comme elle, je déposais sur son sein quelques pâquerettes roses et blanches cueillies sur la tombe déjà verdoyante de ma mère. Je lui disais : Marguerite, pourquoi m’embrasses-tu ainsi comme ma mère du tombeau ? Pourquoi pleurer toujours ! Voilà des fleurs qu’elle nous envoie ; ne sont-elles pas jolies, dis-moi, les fleurs de sa tombe ?

La pauvre fille restait oppressée ; ses bras tremblaient d’émotion, et moi la prenant doucement par la main, je l’entraînais faible et maladive encore vers le cimetière champêtre. Elle marchait, et son œil, fuyant les quelques mausolées de l’humble cimetière, s’égarait avec inquiétude sur ces fosses jetées çà et là dans le champ du silence, sans marbre ni croix funéraires, pareilles aux morts qu’elles renferment, hommes d’un jour inconnus à jamais, comme ces suaves harmonies des forêts lointaines, chants du soir de l’oiseau solitaire que nulle oreille d’homme n’entendit ; elle marchait, et son œil m’interrogeait avec anxiété, quand l’arrêtant tout à coup et lui montrant du doigt une légère éminence, je lui dis, jetant sur elle un douloureux regard : Marguerite, c’est là qu’ils l’ont mise.

Quand elle eut soulagé sa douleur par de simples et touchantes prières que je répétais à genoux près d’elle, nous quittâmes à regret cette fosse arrosée de nos larmes, et Marguerile me dit en m’embrassant : Charles, c’est Dieu qui nous a conduits ici ; la douleur m’oppressait, et voilà